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ALINE SITOE DIATTA ( 1920-1944),UNE HÉROÏNE SÉNÉGALAISE ,LÉGENDE DU KASSA ET DE LA BASSE CASAMANCE

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Aline Sitoé Diatta une grande figure de la résistance sénégalaise contre l’administration coloniale française en Casamance.

A- Son enfance
Aline Sitoé Diatta était née en 1920 dans le quartier de Nialou à Kabrousse à vol d’oiseau de la station balnéaire du Cap Skirring, en Basse Casamance dans le Sud du Sénégal. Ses parents Silisia et Assonelo Diatta disparurent malheureusement très tôt. Aline fut élevée par son oncle paternel Elaballin Diatta. Toute jeune elle se rendit à Ziguinchor, la capitale du Cercle de la Casamance à l’époque sous domination française où elle exerçait les fonctions de docker.
B- Sa jeunesse
A l’image de toutes les jeunes filles casamançaises de sa génération, elle se rendait souvent en saison sèche à Dakar où elle travaillait comme domestique. D’ailleurs ce fut dans la capitale de l’A.O.F. qu’Aline Sitoé eut la révélation de prophétesse avec le pouvoir mystique d’exercer des miracles. Son rêve était de libérer son peuple de la province du Kassa en Casamance de la domination coloniale française. Alors qu’elle était au travail, Aline entendit une voix mystique lui dire : « Rentre chez toi ou il t’arrivera un malheur. » Toutefois son refus d’obéir à cette force divine lui valut un évanouissement au cœur du marché Sandaga dans le grand quartier des affaires dakarois le 8 mars 1940.Au quatrième jour au petit matin, elle constata une paralysie d’une de ses jambes. Selon son biographe diola, c’était un vautour blanc qui lui avait demandé de rentrer en Casamance pour secourir son peuple victime des affres de la colonisation française. A son réveil, elle accepta de rentrer au bercail et d’organiser son peuple contre les travaux forcés et la culture de l’arachide avec en toile de fond un mouvement de désobéissance civile à l’endroit de l’autorité coloniale française. Dès son retour à Kabrousse, Aline retrouva l’usage de sa jambe mais elle garda tout de même une séquelle en boitant. Pour mémoire, elle nous avait laissé une fille unique, Hélène Nioulesse Diatta (née en 1940 à Rufisque) qui s’éteignit à Dakar le 10 mars 2015.Elle fut inhumée à Kabrousse, le village natal de sa mère Aline Sitoé, dans cette partie sud-ouest de la Casamance.
C- Sa résistance éphémère contre la colonisation française
Aline rentra en Casamance en 1941, un an après en juin 1942, elle fut sacrée la nouvelle prêtresse du Bois sacré de Kabrousse. Ainsi elle reçut des révélations divines et se sentit capable d’accomplir des miracles à savoir faire tomber la pluie et soigner certaines pathologies incurables. Très vite, la popularité d’Aline fut grandissante dans la verte Casamance au point de déranger la quiétude de l’administration coloniale française basée à Ziguinchor. Pendant la saison des pluies au Kassa, sa province natale, Aline demandait aux populations des campagnes de cultiver à la place de l’arachide, le riz et la patate douce, les principales cultures vivrières du terroir. La nouvelle prêtresse de Kabrousse se disait porteuse d’un message fédérateur à savoir un retour aux sources de la religion traditionnelle. Aline restaura dans la province du Kassa l’ancienne semaine diola des six jours où nous avions cinq jours de travail et un repos au sixième jour. Elle s’opposa aussi à l’indigénat, au paiement de l’impôt en espèces ou en nature et au recrutement de jeunes Tirailleurs sénégalais pour le front de la deuxième guerre mondiale. Dans la nuit du 28 janvier 1943, le Colonel Sajous commandant du Cercle de la Casamance à la tête d’une expédition militaire débarqua à deux heures du matin à Kabrousse. Soudain le village fut encerclé par les militaires, Aline fut traquée dans le Bois sacré. Sa maison incendiée, son mari Alou Guèye Diatta et des notables de Kabrousse brutalisés et arrêtés, la peur et la violence s’installèrent partout. Les soldats français fouillèrent la résidence familiale alors qu’Aline l’avait désertée car elle était en période de menstruation. Selon les lois traditionnelles diolas, elle devait dormir dans un lieu tenu secret. Pensant qu’Aline avait fui, les soldats ouvrirent le feu sur la maison et tuèrent à bout portant une femme qui pourrait être sa coépouse. Le lendemain 29 janvier 1943 à sept heures du matin, pour éviter des souffrances au peuple de Kabrousse, Aline se livra au colonel Sajous, celui-ci la gifla violemment au point qu’elle saigna abondamment au niveau de la bouche. Elle n’eut son salut qu’à l’intervention de Tété Diédhiou, le conseiller et interprète du commandant de Cercle qui demanda au colonel Sajous d’arrêter cette spirale inutile de la violence alors qu’Aline était inoffensive.
D- La déportation et la mort
Transportée manu militari à Ziguinchor, Aline Sitoé et ses compagnons furent jugés dans cette capitale de la verte Casamance. Au cours d’un procès expéditif, le tribunal retint plusieurs chefs d’accusation contre Aline et ses coaccusés dont troubles à l’ordre public, incitation à la rébellion et à la désobéissance civile. Le verdict fut sévère et sans appel, elle fut condamnée aux travaux forcés et à la déportation. Aline Sitoé fut transférée tour à tour dans les prisons de Sédhiou, de Saint-Louis avant d’être déportée à Tombouctou au Soudan français (Mali actuel). Toutefois à l’étape de Saint-Louis, son époux Alou Guèye Diatta et ses autres compagnons d’infortune furent libérés et regagnèrent démoralisés leur village de Kabrousse en Basse Casamance. Victime de privations et de mauvais traitements dans son bagne de Tombouctou, Aline Sitoé atteinte de scorbut s’éteignit très jeune en martyre, à l’âge de vingt-quatre ans, le 22 mai 1944. Aline Sitoé rappelle Jeanne d’Arc l’héroïne et la pucelle française et à l’image également des femmes héroïques de Nder dans le nord du Sénégal.
CONCLUSION GENERALE
En définitive Aline Sitoé Diatta reste pour la postérité l’une des plus grandes figures de la résistance casamançaise et bien sûr sénégalaise contre l’administration coloniale française. A l’image des grandes figures féminines de notre pays comme Ndatté Yallah, Mame Diarra Bousso de Porokhane, Coumba Woudé du Fouladou, Yacine Boubou et les femmes de Nder, Aline malgré sa vie éphémère devint à son corps défendant une résistante farouche contre la colonisation française en Afrique occidentale. Aline est aujourd’hui reconnue comme héroïne nationale mais son parcours épique doit être enseigné dans les programmes scolaires de notre pays au même titre que les autres héros nationaux sénégalais. Toutefois nous devons reconnaitre que beaucoup d’édifices et d’institutions et même un bateau portent son nom au Sénégal. Enfin nous attendons également que les cendres d’Aline Sitoé soient transférées de Tombouctou au Mali où elle repose, à son village natal de Kabrousse en Casamance dans la partie sud de notre pays pour le grand bonheur du peuple sénégalais.

Abdourahmane Diallo Poète-écrivain

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